Portrait d'une adhérente : Monique Lemarchal

Pour terminer 2008 en beauté, on vous propose le portrait d'une adhérente ...

« Je n'ai pas toujours bien réalisé ce qui m'arrivait. J'étais trop jeune. Ca a été trop violent »

Monique, elle parle de sa vie d'avant un peu en spectatrice. Pastel estompé, il y a au début des courses dans les champs, là-bas, dans la Sarthe. Puis, surgissent par dessus des stries aux couleurs fortes, comme si l'artiste, crispé sur le fusain, avait rayé rageusement le velin.

439951860.jpg« J'avais 19 ans. Un matin, je n'ai plus pu tenir debout. Je suis devenue tout autre. Alors que j'étais très mal, du jour au lendemain, je n'ai plus fait que rire et rire encore, sans cesse, sans motif. Autour, on ne comprenait pas. Moi, je ne me comprenais plus ».

Monique consulte un neurologue au Mans. Il soupçonne une inflammation du système nerveux central. S'il reste dans le flou ce n'est pas par incompétence. C'est qu'à cette époque – voici plus de trente ans - on n'a pas identifié la sclérose en plaques. Dans ces années-là, pas encore de corticothérapie. On utilise le synachthène retard... et on subit son cortège de poussées d'acnée et de vagues de fatigue. Pas plus de scanner I.R.M. Examen approfondi veut dire ponction lombaire. Comme dit Monique, « quand le médecin a la main, la ponction c'est supportable ».

Avec la kiné, les piqûres de synacthène et... avec le temps, l'état de Monique s'améliore une première fois. Elle retrouve progressivement l'usage de la main droite et aussi la vue, partiellement. Pourquoi cette rémission? Elle ne sait pas. C'est comme quand c'est venu. Parce que ça veut bien.

«Autour de moi, tout le monde est perdu. Rien, on ne comprend rien. On me dit que je fais une dépression. Moi, je ne me sens pas dépressive. Pensez, à 20 ans, on a surtout une grosse envie de vivre. C'est pourtant vrai que je m'angoisse. Comment exercer à l'avenir mon métier de mécanographe avec travail à l'écran?»

Monique ne se souvient plus dans quelles circonstances elle rencontre une assistante sociale. A peine savait-elle jusqu'à lors que cette profession existait. Par chance, l'assistante prend Monique sous son aile. Elle négocie son entrée au château de Beauvoir à Evry. Là, la Sécurité Sociale prend en charge son reclassement professionnel.

Voilà Monique installée à Evry. Elle rencontre son mari. Donne bientôt naissance à une petite fille. Ca y est! Fin de la tourmente!

Non. Il n'y aura pas de répit. Bientôt, très tôt, Monique est veuve. Chagrin, solitude et coups de boutoirs de cette maladie qui ne relâche périodiquement son étreinte que pour mieux vous éreinter ensuite.

« Tout au long de ces années, j'ai fait comme j'ai pu. Autour de moi, toujours la même incompréhension. En moi, c'est trop dur. Je me concentre sur ce que j'ai à faire, jour après jour. J'ai ma fille. J'ai mon travail à la mairie d'Evry. Je ne veux pas me disperser, alors ce qu'il y a autour je ne le vois pas. Des fois, je me dis: tout ce temps tu as dû faire un long blocage. Je crois que c'était juste pour ne pas sombrer».

De ces années, elle se souvient par bribes. A la maison: surtout que la petite ne manque de rien. Au bureau, parmi les collègues, ceux qui ne comprennent pas. La revue de presse quotidienne de la mairie qu'il faut sortir dans l'urgence, parce que la presse c'est périssable. La machine à photocopier à l'étage dix fois par jour et ce mauvais éclairage qu'on a promis de changer. Et puis, la S.E.P. qui attaque encore. Les yeux, les mains et l'envie.

« On a formé un petit ilot. On s'enrichit. On se réunit. On ne sait pas toujours ce qu'il en sort, mais on veut recommencer, parce qu'ensemble on est si bien »

Aujourd'hui, Monique n'est pas vraiment dans la quiétude. Elle relève à peine d'une poussée de la maladie qui l'a agressée durement une fois encore. Elle doit lutter pour faire reconnaître ses droits à une future pension de retraite décente. Mais Monique s'est à présent mieux ancrée. Décidée à avoir plus de prise.

Chercher, concevoir des modelages, des dessins, des peintures, c'est ce qui la passionne à présent et chaque nouveau projet lui apporte une ligne de vie plus continue. Son goût pour les arts plastiques s'est affermi voici quatre ou cinq ans. C'était les samedis, dans un atelier de création ouvert sur initiative locale. Après toute une semaine bureau-maison, elle ressentait alors très fort le besoin, mais ne pensait pas avoir l'énergie nécessaire. Elle y a découvert une envie de faire inépuisable.

Sa force, Monique la trouve aussi aujourd'hui dans son groupe d'amis, le « petit ilot ». Au centre de l'ilot: le groupe des « Sépeux », un groupe de quatre et maintenant cinq, un peu dans la mouvance de la délégation A.P.F., mais qui a sa vie propre.

«La S.E.P. nous a rapproché. On a tous trouvé notre voie face à la maladie. Alors, on se donne des trucs. On met de l'expérience en commun. Mais on est lié par tellement d'autres choses qu'une pathologie! On a en commun une envie irrésistible d'aller vers les autres, d'apprendre, de faire savoir ce qu'on ressent».

Monique ne parle pas d'elle-même avec une grande bienveillance. Alors pensez, quand elle se décrit comme fidèle en amitié.... C'est dire pour elle l'importance des amis de longue date avec qui on peut partager en confiance l'émotion à la sortie d'un spectacle ou devant un tableau. Monique, c'est comme ça qu'elle vit de bons moments et c'est pour ça qu'elle veut désormais que rien ne lui échappe.

Propos recueillis par Claude Goupillière

Commentaires

  • merci à Monique d'avoir parlé de la solitude - du courage qu'il faut pour rejouer sa part dans le théâtre de la comédie humaine - souffrance physique et ou psychique accentuée par l'isolement que crée le regard qui ignore (phrases discriminatives, attitudes de rejet, silence d'autrui) catégorisant sans vouloir même s'informer..
    La personne doit pour"être reconnue" , "appréciée" rester dans un challenge permanent, "déployer des efforts de ténacité", épuisant contre elle - pour dans tous les cas accéder à l'appréciation d' acceptabilité dans l'appréciation d'autrui !


    L'attitude d'autrui en pareil cas est un "sésame" un "encouragement à vivre" ou un "assassinat" perfide car silencieux et réitéré dans le monde du travail, il faut bien travailler pour vivre, mais on peut aussi y agoniser et surtout en silence s'il vous plait !
    et alors non seulement l'autre n'est pas aidant mais il participe activement au processus de différenciation négative avec des effets délétères comme la perte de l'estime de soi,
    détérioration de l'image de soi, co-existante à la perte de projet, à l'avenir barré, aux droits attribués par suspiscion ou inacessibles par des obstacles administratifs, des évaluations biaisées : vivre demande une énergie qui s'épuise

    je me suis surprise plus d'une fois à bafouiller et perdre mes moyens car dans la relation qui est une interaction, le pré-jugé comme l'étymologie l'indique indique déjà une représentation qui bloque toute dynamique et la personne sensibilisée par la maladie, le handicap ressent "instinctivement" lla disposition d'esprit de l'interlocuteur

    anne

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