Le 8 octobre dernier, à la veille de la journée mondiale du handicap, France Info a fait un zoom sur une question encore taboue en France. Quelle sexualité, quel accompagnement pour les personnes handicapées ?
Le sujet reste délicat à aborder dans notre pays mais, en Suisse, une association propose des services sexuels. Des hommes et des femmes ont été spécialement formés pour faire ou refaire découvrir le plaisir à des personnes handicapées.
Extrait à écouter : Quelle sexualité pour les personnes handicapées ? L’enquête de Sébastien Baer (4'55")
Ce sont des séances, des rendez-vous d’une heure à chaque fois entre la personne handicapée et l’assistant sexuel. Cela coûte 150 francs suisses, l’équivalent de 115 euros, quelle que soit la prestation : simples caresses, massages ou parfois, mais plus rarement, relations sexuelles.
Le plus souvent, ces séances se déroulent au domicile des personnes handicapées, parfois aussi dans des institutions. Les bénéficiaires sont très différents : des personnes handicapées de naissance, d’autres paralysées après un accident...
Pour Estelle, 40 ans, assistante sexuelle à Lausanne depuis un an, il s’agit de réveiller les sens des personnes handicapées. "Il faut aller voir, faire un état des lieux, qu’est-ce qui fonctionne, est-ce qu’il y a érection, possibilité d’éjaculation, où en sont les fonctions sexuelles ? Moi, je travaille dans une approche qui est très sensuelle, certains aiment plutôt voir mon corps, d’autres le toucher. Je fais ce travail pour que la personne aille vers une estime de soi, qui fait qu’elle pourra rencontrer quelqu’un, être moins stressée dans une relation intime... tout ce qui peut amener vers cette autonomie, c’est vraiment le but de mon travail".
Extrait à écouter : Assistante sexuelle, une profession plutôt particulière... Estelle est assistante sexuelle à Lausanne. Elle raconte son métier. (1'55")
Les dix assistants sexuels qui, comme Estelle, exercent en Suisse ont suivi une formation pendant un an. Au programme, 300 heures de cours pour apprendre à connaître et à guider ces corps différents, paralysés, mutilés parfois.
Catherine Agthe-Diserens, la présidente de l’association Sexualité handicaps pluriels (SEHP), qui est à l’origine de cette formation, explique que les assistants sexuels représentent, bien souvent, le seul recours pour ces hommes et ces femmes privés de sexualité. "Un masseur ordinaire ne peut pas offrir ça, un papa et une maman ne sont pas là pour ça et les éducateurs risquent de se faire dénoncer pour abus sexuels, seules les personnes avec un mandat exceptionnel peuvent venir procurer ces sensations, ces vécus".
Extrait à écouter : Catherine Agthe-Diserens, fondatrice de l’association "Sexualité handicaps pluriels" (5'34")
STATUT RECONNU
En un an, 130 personnes handicapées ont fait appel aux services des assistants sexuels. Il s’agit de personnes seules, d’autres sont mariées mais engagées dans des relations contrariées par le handicap. Parmi les bénéficiaires,
André, un homme de 49 ans qui souffre depuis son enfance d’une paralysie du bassin et des jambes. Il fréquente Christine, une assistante sexuelle, depuis quelques mois "pour reprendre confiance, voir si je pouvais fonctionner normalement comme un homme. J’ai rencontré quelqu’un qui a su trouver un compromis entre le fait que j’avais un handicap mais que je pouvais aussi fonctionner comme une personne normale".
Récemment, dans le canton de Genève, une loi vient de marquer clairement la différence entre la prostitution et l’assistance sexuelle. Un premier pas vers la reconnaissance de ce statut bien particulier.
SUJET TABOU EN FRANCE
Dans notre pays, ce sujet demeure très délicat, très polémique. Très rapidement quand on l’évoque surgit le spectre de la prostitution, du proxénétisme. "C’est la mise à disposition de son corps pour le plaisir d’autrui contre de l’argent, c’est la définition de la prostitution", argumente Marcelle Provost, militante au sein du mouvement du Nid, une association qui lutte contre la prostitution. "On considère que les personnes handicapées ont le droit d’avoir des relations sexuelles gratuites. Pourquoi ces personnes là ne pourraient-elles pas développer entre elles ou avec des gens valides des relations sexuelles normales ?"
A l’inverse, Jean-Marie Barbier, le président de l’APF, l’association des paralysés, refuse tout amalgame avec la prostitution. Et il milite en faveur de la reconnaissance en France du statut d’assistant sexuel. "Il faut que l’on sorte de cette idée que si on n’y arrive pas soi-même, on fait rien. On veut que tout ça puisse se passer dans la transparence. Ce sont des droits qui sont proclamés partout et pourtant il n’existe rien d’officiel. C’est la définition même selon moi du sujet tabou".
Sujet encore tabou même si le débat progresse en France. Le député UMP de la Loire, Jean-François Chossy, prépare un projet de loi pour qu’une différence claire soit établie entre accompagnement sexuel et prostitution.
Extrait à écouter : Jean-François Chossy, député UMP de la Loire, prépare un projet de proposition de loi pour faire la distinction entre prostitution et accompagnement (1'35")