Une sortie scolaire bien orchestrée… ou un exemple de ce que nous pouvons réussir ensemble

fauteuil.jpg« Aujourd’hui, c’est la sortie annuelle de l’école élémentaire ******, au Centre Pompidou et au jardin des plantes. La petite Jade, qui « vit » en fauteuil roulant électrique a pu, pour la première fois, faire la sortie sans être accompagnée et véhiculée par sa maman, avec ses copains, comme tous les autres.
Cela peut sembler banal mais c’est une grande première. D’abord pour elle (elle ne cachait pas sa joie), pour sa famille, et pour la ville qui a fait le nécessaire pour que cette sortie soit réussie.
Merci à tous ceux qui de prêt ou de loin ont contribué à cette réussite et à l’équipe de l’école, exemplaire.
Un grand merci à Thierry HERENT qui, de ses vacances lointaines a résolu un problème important dans l’urgence et merci à Catherine BONNEAU.
Merci à la société de cars NEDROMA, attentive à la situation, et à ses trois chauffeurs formidables qui ont tout fait pour la petite Jade.
Ca bouge…. Bien »
Michel Fraigneau, Chargé de mission Handicap à la mairie d’Evry


J’ai reçu ce courriel avec une grande émotion, enfin une belle nouvelle, une avancée dans l’inclusion scolaire. Cette nouvelle me renvoie à l’histoire de la scolarisation de cette petite fille et de son frère jumeau.
Si Jade et son frère ont pu être accueillis à l’école, c’est grâce à la ténacité de leur maman qui a fait appel au maire d’Evry. Ce dernier l’a entendue et a demandé à Mr Fraigneau de rendre accessible la scolarisation, dès la petite section en maternelle, de deux jumeaux se déplaçant
en fauteuil électrique. Cette scolarisation n’étant pas accompagnée par un service, elle a débuté de façon chaotique et douloureuse, pour tous les acteurs.
La maman en premier lieu, mais aussi les enseignants ont traversé des périodes de conflits et d’incompréhension non médiatisés, non accompagnés.
Notre liste d’attente ne nous a pas permis d’être présents pour cette entrée en classe. Nous sommes arrivés pour la grande section et n’avons
pu que constater la douleur des protagonistes. Seule Jade a fait l’entrée au CP de l’école primaire, Timothée lui, a fait son CP en milieu spécialisé.
Les sorties scolaires nécessitaient la présence de la maman pour les trajets. Cette organisation spécifique des trajets isolait Jade de ses camarades. Certaines sorties n’ont pas pu se réaliser faute d’accessibilité non anticipée, beaucoup de larmes, de rage, devant trop d’incompréhension, de manque d’humanité.

Un exemple me revient ; la classe allait voir une pièce de théâtre à l’Agora. Sa maman devait s’occuper des trajets car la maîtresse ne pensait pas qu’il pouvait être envisageable d’avoir un bus adapté. Jade et sa maman ont donc retrouvé l’en-semble de la classe dans le hall de l’Agora. Et là, patatras, la salle qui accueille le spectacle n’est pas accessible. La maîtresse avait bien posé la question de l’accessibilité au moment des réservations, question à laquelle il lui avait été répondu positivement, mais sans préciser que toutes les salles n’étaient pas accessibles. Or le spectacle prévu se joue dans une petite salle non accessible. La maman propose donc de laisser le fauteuil et de porter sa fille jusqu’à la salle de spectacle. Re patatras elles se voient opposer un refus catégorique pour une question de sécurité. La maîtresse est livide, la maman aussi, Jade fond en larmes. Jade et sa maman quittent le théâtre, seules, laissées pour compte. Quand elles nous raconteront cette mésaventure, nous serons en colère, d’une colère noire contre le manque d’effort pour éviter ce type de situation insupportable, inacceptable.
Comment peut-on dire que le théâtre de l’Agora est accessible si toutes les salles ne le sont pas ? Comment peut-on se débarrasser de ce problème d’accessibilité en se débarrassant des personnes ? Comment peut on traiter une enfant de 6 ans ainsi ? Comment peut-on traiter une maman ainsi ? Comment peut-on humilier ainsi des êtres humains ?

C’est une des épreuves qui ont jalonné le parcours de Jade à l’école. Ce n’est pas simple d’être accueillie dans les dispositifs communs quand on est différent. Il y a encore des personnes qui voudraient éviter de se confronter au handicap.
Vous comprendrez mieux mon émotion devant cette sortie réussie. Car bien que professionnelle, il m’est douloureux de regarder des personnes se faire rejeter sans cesse.
Nous sommes tous ravis de cette victoire qui dit qu’il y a encore des hommes et des femmes qui ont envie de vivre ensembles quelles que soient nos différences. Ce moment est aussi important pour l’ensemble des camarades de classe de Jade qui ont pu partager cette journée toute entière avec elle.

Malika Redaouia - Directrice du SESSD APF d’Evry

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