La prestation de compensation du handicap (PCH) ne suffit pas toujours à combler les frais de transport, parfois très élevés, ce qui plonge certaines familles dans la détresse
Article paru dans La Croix du 4 janvier 2009.
Florian fête aujourd’hui ses 24 ans. Mais l’ambiance à la maison risque d’être un peu morose. Depuis le 1er janvier en effet, la mère de ce jeune homme polyhandicapé ne peut plus assumer financièrement les trajets en ambulance de son fils qui se rend tous les jours dans une maison d’accueil spécialisée (MAS).
Ce lieu est pourtant essentiel à son bien-être : activités d’éveil, soins de kiné, temps passé au milieu d’autres jeunes… « Il a une vie sociale en dehors de moi, c’est très important, explique sa mère, Sabine, qui l’élève seule. De mon côté, je peux travailler à mi-temps, donc sortir un peu. »
Or l’assurance-maladie ne rembourse plus les frais de transports quotidiens, soit 2 300 € par mois. La prestation de compensation du handicap (PCH) est censée avoir pris le relais, mais son montant est loin de couvrir une telle dépense.
Des retards dans l'application de la loi handicap
Innovation de la loi de 2005, la part « transport » de la prestation est plafonnée à 12 000 € sur cinq ans, soit une moyenne de 200 € par mois. Jusqu’au 31 décembre, Sabine a pu bénéficier d’un système transitoire, notamment grâce à l’engagement du conseil général des Alpes-Maritimes. Mais il vient de prendre fin.
« Si l’État ne prend pas ses responsabilités, je vais devoir arrêter de travailler. J’ai d’ailleurs appelé mon patron pour lui dire que je ne viendrai pas aujourd’hui car je dois m’occuper de mon fils. Ces deux dernières années, témoigne encore cette comptable de 56 ans, plusieurs familles que je connais ont dû renoncer à l’accueil de jour pour leurs enfants lourdement handicapés, faute de remboursement du transport. »
De fait, le problème n’est pas nouveau. Il s’explique par certains retards et blocages dans l’application de la loi handicap de 2005 qui, à l’époque, avait nourri de grands espoirs. Ainsi, pour le président du Comité national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), le fait d’avoir plafonné la « PCH transport » n’est pas conforme à l’esprit de la loi.
« Ce n’est pas acceptable. L’esprit du texte, c’est de partir d’un projet personnalisé pour la personne handicapée, d’évaluer ses besoins réels de façon indépendante et de les combler intégralement », souligne Jean-Marie Schléret. Autrement dit, s’assurer qu’aucune famille ne se retrouve, comme celle de Florian et d’autres dans toute la France, avec un « reste à charge » beaucoup trop lourd à porter. Un décret précisant la part complémentaire apportée par les départements se fait toujours attendre.
Inquiétudes face au contexte budgétaire
Toutefois, Jean-Marie Schléret se veut optimiste. « Dans l’ensemble, on n’est pas sur une mauvaise pente. L’exaspération des familles est à la hauteur des attentes suscitées, mais si les choses suivent leur cours, on devrait aboutir à terme à une application satisfaisante. Beaucoup de choses vont se jouer ces prochaines semaines », indique le président du CNCPH, qui rappelle qu’en quatre ans, la plupart des décrets ont été publiés, « ce qui n’avait pas été le cas pour la loi de 1975 ».
Du côté du ministère, on ne nie pas le problème posé par le remboursement des frais de transport. « C’est vrai que le montant de la PCH n’est pas forcément adapté à toutes les situations individuelles, qu’il faudra ajuster la prestation dans certains cas », admet-on au cabinet de Valérie Létard, secrétaire d’État à la solidarité.
Reste que certaines associations s’inquiètent d’un contexte budgétaire défavorable. « Ces dernières années, la maîtrise des dépenses de santé est devenue une priorité et cela se ressent », note Me Philippe Félissi, l’avocat de la Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés (Fnath). Selon lui, « l’assurance-maladie resserre les boulons, et il vaut mieux entrer dans les cases ».
La justice tranche en faveur des familles
Des refus de remboursement de frais de transport lui ont ainsi été soumis et portés en justice, au bénéfice des familles. « Quand il s’agit de se rendre à un soin classique, pas de problème. Les choses se corsent pour certaines techniques particulières dont ont pourtant besoin certaines personnes handicapées », explique l’avocat.
En juillet dernier, le tribunal des affaires sociales de Sécurité sociale de Savoie a ainsi donné raison à des parents dont l’enfant autiste bénéficiait de soins d’un neuro psychologue situé à cent kilomètres du domicile familial.
Jusque-là, l’assurance-maladie avait refusé de prendre en charge le coût du taxi. « Je l’emmenais avec beaucoup d’angoisse, car il fallait que je le surveille tout en faisant attention à la route », confie sa mère qui devait en outre assumer les frais d’essence. Le tribunal a fait valoir l’inégalité de traitement entre les différentes caisses (certaines remboursant ce type de frais) et souligné que le recours à la neuropsychologie entrait dans « la prise en charge de la maladie de l’enfant ».
Marine LAMOUREUX