Trois services d’aide à domicile franciliens de l’Association des Paralysés de France risquent de mettre la clé sous la porte. En cause ? Leur coût de revient, supérieur au montant horaire de la prestation de compensation du handicap, et des conseils généraux qui ne financent pas l’aide à hauteur des besoins des personnes en situation de handicap. Ce 5 juin, quelque 150 usagers, salariés, adhérents, élus et bénévoles de l’association sont venus manifester devant le ministère des Affaires sociales et de la santé.
Faudra-t-il bientôt que les usagers des services d'auxiliaires de vie APF (SAV) de Nanterre (92) et Pantin (93) choisissent entre manger et se laver ? Que ceux du Service d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) de Choisy-le-Roi (94) privilégient leurs besoins liés aux gestes de la vie quotidienne à ceux concernant leur vie sociale ? Ce choix cornélien, ce sont les Conseils généraux des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne qui pourraient bien le leur imposer, puisqu'ils ne financent pas l'aide à domicile requise par ces personnes en situation de handicap à hauteur de leurs besoins. Mettant ainsi en péril l'existence de ces trois services gérés par l'Association des Paralysés de France (APF) et, avec elle, l'emploi de 95 salariés, et le choix de vie des 106 usagers qu'ils accompagnent.
Et c'est bien ce qu'usagers, salariés, élus, adhérents et bénévoles de l'association sont venus dénoncer cet après-midi, devant le ministère des Affaires sociales et de la santé, à Paris. Quelque 150 personnes qui ont manifesté au pied du bureau de la toute nouvelle ministre déléguée aux personnes handicapées, Marie-Arlette Carlotti. Leur slogan ? "À l’aide… à domicile ! Pour un financement à la hauteur des besoins".
Asphyxie financière et droit à compensation bafoué
Le montant de la prestation de compensation du handicap, 17,59 € de l’heure en cas de recours à un service prestataire comme ceux de l’APF, ne couvre pas, en effet, le coût horaire réel tarifié par les conseils généraux à hauteur de 25 à 28 € de l’heure, pour un coût réel de 25 à 31 € de l’heure. L’APF, n’acceptant pas de faire payer la différence aux usagers, prend donc en charge, au minimum, 8 € par heure effectuée. Une situation qui met ces services d'aide à domicile dans une situation financière très délicate, voire intenable. Et, au-delà de l'aspect financier, une situation qui bafoue le droit à compensation des personnes en situation de handicap tel que posé par la loi de 2005, celui de choisir librement leur mode de vie (domicile ou établissement) et constitue un nouvel exemple du non-respect du principe d'égalité de traitement sur tout le territoire.
SOS sous forme de bouteilles à la mer
Pour lancer leur SOS, les manifestants ont symboliquement jeté des bouteilles à la mer en les accrochant les unes à côté des autres sur un mur grillagé. Leurs messages ? « Je viens manifester pour mon fils, pour son avenir, pour qu'il puisse rester autonome et vivre à domicile s'il en a envie », « Sans aide à domicile, je perds toute l'indépendance qui fait de moi une personne à part entière »… « Le risque de fermeture qui pèse sur nos trois services d’aide humaine nous consterne. Des services qui garantissent une qualité d’accompagnement, une amplitude d’intervention et une continuité de l’aide indispensable pour sécuriser la vie à domicile », a souligné Jean-Marie Coll, vice-président de l’association, appuyé par le représentant APF de la région Île-de-France, Jacky Decobert.
Sollicités à plusieurs reprises, les conseils généraux concernés continuent de faire la sourde oreille. Et même si l’Agence régionale de santé d’Île-de-France a accepté d’octroyer des subventions aux services de Nanterre et de Choisy, dans le cadre du fonds de restructuration pour des services d’aide à domicile autorisés et agréés, l’APF recherche des solutions de financement pérennes.
En fin d’après-midi, une délégation de représentants de l’association a été reçue par Aurore Lambert, conseillère de Marie-Arlette Carlotti, affirmant que cette dernière « était à l’écoute » mais reprochant une manifestation considérée comme un passage en force. Cela fait pourtant plus de deux ans que l’APF et d’autres associations alertent les pouvoirs publics sur la situation intenable d’un secteur en proie à l’asphyxie financière. Sans avoir été entendues jusqu’à présent.
Valérie Di Chiappari sur le blog de Faire Face
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