Au-delà de notre action de militants bénévoles ou de professionnels, nous, administrateurs d’associations militantes et gestionnaires, directeurs d’établissements spécialisés, médecins, enseignants, personnels éducatifs et soignants, tous –et chacun selon notre domaine de compétence- engagés au plus près de la souffrance des personnes en risque ou en situation de handicap et de leurs familles, dans un effort quotidien pour que la vie de chaque enfant, de chaque adolescent, de chaque adulte, témoigne de sa dignité et de sa qualité d’être humain, nous entendons dire ici notre inquiétude, notre révolte, notre détermination à défendre une tradition nationale et républicaine de justice, d’égalité, de solidarité que nous voulons continuer à nommer Mission de Service Public.
Par notre engagement de bénévoles, de professionnels militant dans le secteur médico-social, nous considérons de notre responsabilité de veiller à ce que la loi « Hôpital, Patients, Santé, Territoires » et tout particulièrement les « Agences Régionales de Santé » (A.R.S.) qui en seront le bras armé, ne sacrifient, sous couvert de rationaliser et de moderniser la politique de santé publique, à une politique drastique d’économie.
Le respect des Droits de l’Homme et du Citoyen impose à la puissance publique l’obligation morale d’accompagner et de protéger les plus fragiles, les plus démunis de nos concitoyens.
Le bon emploi des deniers publics ne doit pas servir d’alibi à une politique de restriction qui, propositions de réforme après propositions, conduit quasi mécaniquement à la destruction du secteur médico-social qui les accompagne.
Depuis quelque temps, on observe, malheureusement, que toute solution semble devoir résider dans un démantèlement progressif du Service Public au nom des lois « naturelles » du marché, intrinsèquement préjudiciables aux plus faibles. Le danger qui menace aujourd’hui les acquis sociaux, non seulement menace aussi les idéaux républicains de liberté, de laïcité, de solidarité mais pèse encore de façon particulièrement inquiétante sur la conception du handicap, de sa prévention et de sa prise en charge. :
Les soumettre à la tutelle des A.R.S., c’est désavouer l’esprit et la lettre des lois de 2002 et de 2005.
Comment ne pas voir, en effet, que ce regroupement du sanitaire et du médico-social, en effaçant un peu plus d’un demi-siècle d’efforts pour les dissocier, cherche moins à optimiser qu’à réduire les moyens financiers et humains et qu’il ne peut manquer de dénaturer le travail et la qualité de l’accompagnement, tout spécialement en ce qui concerne le handicap.
Nous ne pouvons cautionner une loi qui étrangle financièrement le fonctionnement des établissements médico-sociaux :
• Déséquilibre entre la place et les budgets attribués au secteur sanitaire et au secteur médico-social au sein des A.R.S., aggravé par l’incertitude qui plane encore sur l’inscription dans la loi du principe de « fongibilité asymétrique » et s’il l’était, sur son importance et sa possible efficacité.
• Application de « tarifs plafonds », aussi dangereux qu’une tarification à l’acte (la T2A) parce qu’indifférents aux situations particulières des personnes prises en charge et incompatibles avec le principe d’une réelle coopération entre associations et pouvoirs publics.
• Procédures et protocoles étalonnés sur le principe des « PRoductions d’Informations Synthétisées MEdico-Sociales » (PR.I.S.ME.S), dispositifs technocratiques reposant sur des « indicateurs » statistiques nationaux. Autant de moyens pour inciter, comme dans le secteur sanitaire, à la performance technique en termes d’exécution des actes pour en multiplier le nombre en un temps et à un coût imposés ;
• Calculs de seuils de « non retour », légitimation de la notion de « rentabilité », méthodes qui, comme dans le secteur sanitaire, conduiront à terme à l’étranglement puis à la suppression des pratiques déficitaires ;
• Mise en place d’outils de planification et d’autorisation pour regrouper les moyens sur le modèle éprouvé dans les services hospitaliers ;
• Enveloppes fermées des « Appels à projets », qui en favorisant les « moins disants », stériliseront de fait toute capacité d’innovation des associations, alors qu’elle est affirmée formellement dans le texte de loi ; qu’en sera-t-il de leur recherche de la meilleure mise en œuvre possible d’une conception humaniste de l’accompagnement, respectueuse de la personne dépendante ?
• Dans ce cadre des « Appels à Projets », signature imposée de Contrats Pluriannuels d’Objectifs et de Moyens (C.P.O.M.) dont on connaît déjà les effets sur la réduction du nombre de postes ;
• Ouverture programmée des services sociaux à la marchandisation, en vertu de la Directive « Services », dite Bolkenstein, arrêtée à Bruxelles en décembre 2006. En l’absence d’un statut juridique national qui les protège, rien n’empêchera qu’ils ne soient assimilés à des entreprises, et comme tels ouverts à la concurrence du secteur privé à but lucratif. Le dispositif des« Services Sociaux d’Intérêt Général » (S.S.I.G.) n’est pour l’heure pas en capacité de garantir que les « Services à la personne » échappent à la Directive européenne.
Nous ne pouvons cautionner une loi qui dénature le sens du travail auprès des personnes en risque ou en situation de handicap et qui inféode leur accompagnement aux pratiques hospitalières.
• La personne en situation de handicap sera désormais un « patient », un « malade » en somme, même si la nature de son handicap ou son état de santé ne le justifient en rien ;
• L’organisation des Agences Régionales de Santé (A.R.S.) conçue selon le schéma des Agences Régionales à l’Hospitalisation (A.R.H.) ;
• La création à leur tête de Directeurs Généraux, aux très vastes compétences, nommés en Conseil des Ministres, choisis pour un tiers parmi d’anciens élèves de Grandes Ecoles, pour un autre tiers parmi d’anciens Directeurs des A.R.H. à reclasser, véritables « Préfets Sanitaires » placés sous la conduite du Ministère de la Santé ;
• La régionalisation du dispositif. Toutes mesures qui ne peuvent que nourrir la crainte de la création d’un cadre administratif contraignant, rigide, plus éloigné que jamais de la mesure des pratiques du terrain et des besoins qu’elles génèrent ;
• L’application de protocoles, les contraintes budgétaires, la « démarche qualité », « qualité » dont on parle d’autant plus qu’on lui refuse davantage les moyens d’exister et que l’on prétend certifier par l’usage de référentiels d’évaluations quantitatives déjà sur le marché. Autant de pratiques qui nient la personne et minorent jusqu’au déni la recherche de son mieux-être et ses chances d’évolution en la privant d’un accompagnement éducatif, social, professionnel, adapté et individualisé.
• La mort annoncée des petites associations à vocation spécifique, le muselage des grandes fédérations par une représentation dénuée de pouvoir de décision dans les instances de régulation du fonctionnement des A.R.S., Conseils de Surveillance, Conférences Régionales de Santé et Commissions de Sélection d’Appel à Projet, sont autant de dénis du droit des usagers.
Comment ne pas craindre les risques encourus par le secteur médico-social ?
Alors même que cette loi propose par ailleurs des solutions de décloisonnement et de simplification de l’organisation sanitaire en France, comment accepter qu’elles soient imposées au secteur médico-social, sans, une fois encore, une concertation préalable suffisante ?
Comment comprendre le recours à une procédure d’urgence qui étouffe le débat politique et rend vaine la procédure démocratique des amendements ?
Comment ne pas redouter l’orientation future des décrets d’application ?
Quelle action peut encore être la nôtre ?
C’est pour y réfléchir et décider d’une action solidaire qui seule peut défendre les intérêts des usagers et des familles qui recourent à nos services que nous, personnes en risque ou en situation de handicap, associations signataires, administrateurs, professionnels, familles, adhérents et sympathisants, vous convions à participer à une
JOURNEE D’ETUDE SUR LA LOI BACHELOT et les A.R.S.
LE 25 AVRIL 2009, de 9 h à 18 heures
A PARIS 12ème, à l’Espace Charenton – 327, rue de Charenton – Métro Porte de Charenton
Trois intervenants :
François ASTOLFI, Personne qualifiée,
Joël HENRY, Ex-Président et Co-fondateur d’Euro-Cef, OING près du Conseil de l’Europe,
Thierry WEISHAUPT, Responsable des Relations Institutionnelles de la FEGAPEI,
exposeront les enjeux politiques d’une telle réforme, le poids des Communautés Européennes dans la transformation du travail social en France, et la manière d’identifier les contraintes de la loi et de l’organisation des A.R.S. pour en saisir les opportunités.
Signataires : Entraide Universitaire, Fédération APAJH, Association Valentin HAUY, ATPA, Les politiques de la peur, Association La Chalouette Autisme Essonne, La nuit sécuritaire, MP 4, APF 91, Fédération Autisme 91, Appel des Appels, Fédération Nationale des Associations des CMPP, ANPEA, Fédération des PEP.
Le manifeste à télécharger : MANIFESTE_INTER_ASSOCIATIF.pdf