Monsieur le premier ministre,
Les associations de solidarité qui interviennent sur l'ensemble du territoire dans les domaines social, médico-social et sanitaire, occupent une place importante dans l'économie du pays (près de 60 milliards d'euros de chiffre d'affaires et près d'un million d'emplois salariés). Elles jouent également, avec le concours de millions de bénévoles, un rôle majeur dans la préservation de la cohésion sociale et, plus particulièrement, à l'égard des plus vulnérables de nos compatriotes.
Assurant des missions d'intérêt général, elles ont une conscience aiguë des dangers que recèle la croissance continue de l'endettement public. Elles admettent, de ce fait, la nécessité vitale pour la France, comme pour leurs propres usagers, de juguler cette évolution. Pour leur part, elles n'ont pas attendu les développements de la crise actuelle pour remettre en cause leurs modes de fonctionnement, améliorer la qualité de leurs interventions, et poursuivre la rationalisation de leurs coûts.
Ces associations de solidarité souhaitent attirer votre attention sur plusieurs conditions qui leur paraissent devoir être respectées si on veut éviter que les mesures à prendre ne provoquent de nouvelles déchirures du tissu social et de nouveaux drames individuels.
Bien entendu, comme l'a déclaré le président de la République lors du "sommet social" du 10 mai dernier, une priorité absolue doit être accordée à l'emploi, la question du chômage étant à l'origine de la plupart des problèmes sociaux actuels. A cet égard, les moyens de Pôle emploi, malgré l'importance des recrutements récemment réalisés, ne sont toujours pas à la hauteur des besoins quantitatifs et qualitatifs que réclame un traitement efficace et humain des demandeurs d'emploi, en particulier de ceux qui sont les plus vulnérables.
De plus, les moyens de la formation continue, récemment rénovée, comme les moyens dévolus à l'orientation et à l'accompagnement des intéressés, devraient davantage encore être consacrés à l'accueil de ceux qui sont les plus menacés par les risques d'exclusion tant sociale que professionnelle.
Par ailleurs, il est clair que le programme de réduction des déficits doit être déterminé de manière telle qu'il ne compromette pas les espoirs de retour à une croissance créatrice d'emplois dans les meilleurs délais.
De ce point de vue, nous estimons que les régimes d'allocations sociales, en particulier ceux qui sont destinés à subvenir aux besoins essentiels des plus faibles, qui sont aussi des moyens de conserver leur dignité, devraient être préservés, voire même améliorés compte tenu des pertes nettes de pouvoir d'achat subies depuis ces dernières années, d'autant que la crise risque d'avoir pour effet de creuser davantage les inégalités et la pauvreté.
Au-delà, plusieurs programmes de soutien à diverses activités dans nos domaines méritent, à nos yeux, d'être maintenus, voire amplifiés, car ils sont très efficaces sur le terrain économique, de l'emploi, de la cohésion sociale et aussi de la préparation de l'avenir. Il s'agit, sans vouloir les passer tous en revue, des programmes relatifs à l'accueil, à l'accompagnement et au traitement de personnes atteintes de certaines maladies ou handicaps, des programmes concernant l'accueil de la petite enfance et la protection de l'enfance, l'hébergement des sans-abri, le logement social, les personnes âgées, les centres de formation d'apprentis.
Enfin, d'une manière plus générale, nous ressentons sur le terrain une certaine désagrégation de ce qui unit traditionnellement les Français, des réflexes de repli sur des intérêts personnels et corporatistes de façon plus menaçante que jamais, des interrogations qui se multiplient sur la capacité des institutions à faire face aux changements.
C'est pourquoi il nous paraît que les politiques sociales doivent s'efforcer de maintenir vigoureusement les principes de solidarité qui caractérisent l'essentiel de notre système de protection sociale et qui entretiennent de manière très quotidienne pour nos compatriotes leur sentiment d'appartenance à une même communauté.
Nous serions très désireux, Monsieur le premier ministre, que vous acceptiez de rencontrer les associations de solidarité pour évoquer les aspects sociaux de la politique de réduction des déficits que vous entendez conduire.
La délicatesse de la situation que nous aussi allons avoir à affronter comme acteurs des politiques sociales, la nécessité pour nous d'anticiper les difficultés et le devoir qui est le nôtre de protéger les intérêts des plus faibles, nous incitent à vous demander de bien vouloir accepter l'organisation d'une telle concertation, il est vrai inhabituelle, mais la situation l'est tout autant.
Notre souci n'est pas d'abord celui de la défense de nos organismes et de nos structures, mais celui des personnes au service desquelles nous sommes engagés. Notre démarche est à la fois politique et gestionnaire. Nous pensons qu'elle se justifie par notre mission, plus que jamais nécessaire, de participation à la mise en oeuvre de l'intérêt général.
Le 31 mai 2010.
Dominique Balmary, président d'Uniopss ; Jean-Marie Barbier, président de l'APF ; Michel Desmet, président de la Cnape ; Régis Devoldère, président de l'Unapei ; Raymond Etienne, président de la Fondation Abbé Pierre ; André Flageul, président d'UNA ; Nicole Maestracci, présidente de la Fnars ; Jean-François Mattei, président de la Croix- Rouge française ; François Soulage, président du Secours catholique ; Michel Tanfin, président de l'ADMR.