La Plate‐Forme Nationale GRANDIR ENSEMBLE a présenté, le mercredi 24 juin dernier à Sciences‐Po, les conclusions de son étude nationale sur les conditions d’accès des enfants en situation de handicap, dès le plus jeune âge, à l’ensemble des structures collectives d’accueil, de loisirs ou de vacances, réalisée sous le haut‐patronage du Président de la République, de janvier à décembre 2008.
Cette étude est une première en France, dans la mesure où cette question n’avait jamais été traitée d’une manière aussi vaste et exhaustive, prenant en compte l’ensemble des pathologies concernées, de la toute petite enfance jusqu’à l’âge adulte, s’attachant à analyser toutes les formes d’accueil existant, et prenant en compte cette question sous tous ses angles, y compris juridique.
Indûment traitée à la marge depuis toujours, cette question de l’accès des enfants handicapés à l’ensemble des lieux qui jalonnent la vie d’un enfant (crèches, halte‐garderies, centres de loisirs, séjours de vacances…) se présente pour autant comme essentielle dans la vie quotidienne des familles.
En effet, comment peut‐on encore parler aujourd’hui de scolarisation des enfants handicapés sans évoquer leur accès aux lieux d’accueil périscolaire (avant et après la classe) et extrascolaire (mercredi et vacances scolaires) ? Comment accepter que nombre de mères d’enfants handicapés renoncent encore aujourd’hui à leur emploi, faute de moyens de garde ou de prise en charge pour leur enfant ? Comment comprendre que bien des professionnels de la petite enfance ou de l’animation considèrent encore aujourd’hui l’accueil d’un enfant handicapé comme une « option facultative » dépendant du sentiment de leur capacité à l’accueillir ?
Or, malgré un sentiment général d’ouverture (près de 70% des structures déclarent accueillir ou avoir accueilli un enfant handicapé), cette étude montre qu’en réalité, moins de 20% des structures accueillent effectivement des enfants handicapés. Plus encore, le volume de fréquentation des enfants handicapés ne représente que tout juste 1% dans les établissements de la petite enfance et moins de 0,43% dans les
accueils de loisirs !
Cette carence de l’offre, estimée à 5 fois inférieure à la demande, a des conséquences très importantes dans la vie des familles. Elle conduit notamment la majorité des mères à cesser leur activité professionnelle, faute de solutions adéquates. C’est à un vrai parcours du combattant que sont appelés les parents, qui vivent ainsi une forme de disqualification sociale insupportable, en raison du handicap de leur enfant. D’autant que les difficultés s’accroissent avec l’âge de l’enfant et en fonction des complexités de la pathologie en question (plus de 50% des impossibilités d’accueil concernant des enfants autistes ou polyhandicapés…).
Au final, face à toutes ces difficultés, les familles d’enfants handicapés se trouvent dans une situation d’autocensure d’expression de leurs besoins et de sollicitation d’accueil de leur enfant au sein de structures d’accueil de la petite enfance, de loisirs ou de vacances, par peur d’un refus d’accueil ou du fait de la nécessité de « se battre » pour obtenir satisfaction.
Alors, comment expliquer un tel décalage entre les intentions, les dispositions législatives et la réalité quotidienne des familles ? La première explication tient à l’inadéquation structurelle du fonctionnement des lieux d’accueil au regard des besoins spécifiques de certaines pathologies (inaccessibilité des locaux, nombre important d’enfants accueillis, locaux bruyants ou mal chauffés, types d’activités proposées…), l’insuffisance du personnel d’encadrement, notamment dans le secteur des centres de vacances et de loisirs, pour lequel la norme règlementaire est de 1 animateur pour 12 enfants pour les plus de 6 ans, le manque de formation du personnel d’encadrement sur la connaissance des pathologies, les techniques de prise en charge dans la vie quotidienne et les modalités d’adaptation d’activités, l’absence d’appui technique professionnel à des moments essentiels comme l’évaluation d’une nouvelle demande d’accueil, la conception d’un dispositif ou d’un protocole d’accueil, l’analyse d’une situation difficile à gérer, la mise en oeuvre d’actions de formation pour l’équipe d’encadrement, l’absence de sources de financements identifiés pour faire face aux surcoûts éventuels liés aux adaptations humaines ou matérielles nécessaires.
Face à ce déficit de l’offre d’accueil au sein des structures dites « traditionnelles », une offre « alternative » s’est progressivement développée dans notre Pays, offre qui correspond très souvent aux attentes des familles, comme les structures d’accueil « mixte ». Il s’agit par exemple de structures d’accueil de la petite enfance (Une Souris Verte, Les Petits Princes Lumière…) ou de loisirs (réseau Loisirs Pluriel…) accueillant de manière collective des enfants handicapés au milieu des autres, dans des conditions toutes particulières de qualité d’accueil et d’encadrement : limitation volontaire des effectifs, principe de réservation de places pour les enfants en situation de handicap pouvant aller jusqu’à la moitié des effectifs, renforcement de l’encadrement ou de sa qualification professionnelle, formation de l’encadrement, adaptation des activités pour favoriser le pleine participation de chaque enfant…
Au‐delà de cette analyse, cette étude a une visée opérationnelle et propose 15 mesures pour développer, dès le plus jeune âge, l’accès des enfants handicapés aux structures d’accueil collectif de la petite enfance, de loisirs ou de vacances. Afin de développer l’offre d’accueil, elle propose notamment la généralisation du principe de majoration des prestations de service versées par les CAF aux établissements d’accueil de la petite enfance ou aux accueils de loisirs sans hébergement dès lors qu’ils accueillent un enfant handicapé, bénéficiaire de l’AEEH (Allocation d’Education de l’Enfant Handicapé). Cette mesure, à elle seule, permettrait de résoudre en grande partie les difficultés rencontrées et se présente comme une solution techniquement réalisable, puisqu’elle a déjà été expérimentée, notamment par la CAF de Loire‐Atlantique.
Créée en septembre 2007, la Plate‐Forme Nationale GRANDIR ENSEMBLE regroupe près d’une trentaine d’associations locales ou nationales afin de promouvoir l’accès des enfants handicapés aux structures d’accueil collectif de la petite enfance, de loisirs ou de vacances, dès le plus jeune âge, dans notre pays. On y retrouve les principales associations représentatives de parents d’enfants handicapés (APF, Autisme France, Trisomie 21 France, UNAPEI…), des fédérations nationales (ACEPP, Association des Ludothèques Françaises, Fédération Loisirs Pluriel, Scouts et Guides de France…), des structures locales accueillant des enfants handicapés et valides (Halte‐Pouce, Les Petits Princes Lumières, Une Souris Verte…).
L'étude nationale à télécharger : GE_-_RAPPORT_ETUDE_NATIONALE_-_11_juin_2009.pdf